Alice aime le flirt.
Vous voyez celui qui ne dure que 5 minutes…
Au coin de la rue, dans un festival, à la salle de sport, au marché, en terrasse, en voyage.
Elle sait que l’aventure n’est qu’éphémère et qu’à la sixième minute tout sera terminé.
Elle expérimente chaque jour des choses intenses et étranges qu’elle ne parvient pas à décrire par moment.
Comme cette dernière fois en sortant du boulot.
L’air est frais, glacial même. L’attente est insupportable. Et cette application d’horaires qui n’est jamais fiable.
Le bus arrive bondé, comme d’habitude. Impossible d’avancer vers le fond comme le demande l’automate.
Des poussettes, des vieux, des jeunes, ça put.
Bloquée à l’avant du bus, au moins elle voit la route et le chauffeur qui dès son entrée lui a tapé dans l’œil.
Pass validé, un bonsoir discret.
Elle plante ses yeux dans les siens.
Round 1, il répond, esquisse un sourire léger qui anime doucement ses lèvres charnues, mais fines.
Les portes se referment. Direction le métro. Ce tronçon de route est interminable à sa grande joie ce soir.
Il l’observe, elle et la route. Prochain arrêt. Alice se colle à la cabine afin de laisser de la place pour l’ouverture des portières avant.
Elle se rend compte qu’il n’ouvre qu’un côté des deux portes lui permettant ainsi d’être à l’aise et de rester à l’avant avec lui.
Consciente du geste sympathique, Round 2. Nouveau regard dans sa direction, plus long, plus intense cette fois.
Un sourire, Merci, dit-elle. Ses yeux pétillent. Elle a noté ses taches de rousseurs discrètes et son nez plutôt aquilin.
Il est beau. Des yeux vifs, et clairs. Le crâne rasé et une petite barbe au menton.
Son air satisfait le rend excitant. Elle lui aurait bien touché deux mots, mais sa réserve passagère l’en empêche.
Round 3, elle appuie sa main sur le rebord de la cabine. C’est l’occasion ou jamais. Il la frôle. C’en est de trop. Et son corps ne le supporte pas. Elle se mord instinctivement la lèvre inférieure s’apprête à lui demander ce qu’il fait après son service.
Rien ne va plus. Le feu passe au vert, les voici arrivés à la gare routière. Terminus, cette fois ce sont les deux portes qui s’ouvrent.
Dernier regard en direction de ce bel homme qu’elle ne reverra sûrement jamais.
Fin du flirt.
Alice s’engouffre dans la bouche puante du métro.
